Le principe de milice est étroitement lié à la démocratie de notre pays

Aujourd’hui, tout type d’engagement de milice, qu’il soit civil ou militaire, doit être reconnu dans le cadre d’un service citoyen plus large au bénéfice de la collectivité et de l’environnement, écrit Alain Miserez

Le service à la communauté est la pierre angulaire de la réussite helvétique. Après avoir servi plus de six cents jours en tant que commandant de compagnie au sein de l’armée suisse, je reste convaincu de la solidité et de la nécessité d’une armée de milice dans notre pays. Cependant, l’armée ne représente que l’une des manières de rendre service à la communauté et de se former en tant que citoyen ou citoyenne de ce pays.

Qu’il s’agisse des innombrables heures de réunions et événements politiques, des longues nuits de garde au service du Saint-Père ou des plus de six cents jours de service sous les drapeaux, chaque engagement en a valu la peine pour moi. Mais je crains que de moins en moins de jeunes soient en mesure de souscrire à ce genre d’engagement. C’est pourquoi il est si important que nous fassions tout ce qui est en notre pouvoir pour donner à nos jeunes les moyens de participer et de trouver leur place dans une société en mutation. Et il n’y a pas de meilleure façon d’y parvenir qu’en repensant fondamentalement le système de milice. L’initiative pour un service citoyen permet de rééchir à de nouvelles manières de servir son pays. Car le point central du service de milice est d’orir de son temps pour la communauté.

Qu’est-ce que la milice? Donner un second soue au service de milice, c’est ce que veut l’initiative pour un service citoyen. Une question s’impose néanmoins. Qu’est-ce que la milice? Qu’est-ce que le service en Suisse? Notre pays unique s’est développé de manière extrêmement intéressante au cours de son histoire. Le système de milice y a contribué de manière décisive. Aux débuts de la Confédération suisse, le système de milice a servi principalement à fournir des troupes aux contingents militaires cantonaux. Le principe était relativement simple: chaque citoyen eectue son service militaire sur appel lorsque les autorités le jugent nécessaire. Ainsi est né le mythe du citoyen-soldat, concrétisé par l’adoption d’une nouvelle Constitution en 1874 et l’introduction de la conscription. L’armée moderne était née.

Mais l’esprit de milice transcende l’engagement militaire. Dans toutes les sphères de la société, il existe depuis toujours en Suisse de nombreux exemples de service de milice, notamment au niveau politique. Aujourd’hui encore, le système de milice est une forme particulière de service volontaire qui caractérise et façonne notamment la vie des communes: 81% des conseillers municipaux sont bénévoles, 17% engagés à temps partiel et seulement 2% à temps plein. D’un point de vue dénitionnel strict, le système de milice est un principe structurant la vie publique en Suisse. Conformément au principe de subsidiarité, chaque citoyen doit assumer des fonctions et des tâches publiques en fonction de ses capacités. Cela se concrétise généralement sur une base extraprofessionnelle et/ou volontaire. L’engagement de milice, cependant, est bien plus que cela.

Les engagements du futur. Sans l’engagement des miliciens et des miliciennes, de nombreuses facees de notre vie sociale, politique et économique ne fonctionneraient tout simplement plus. Cela va des activités sportives, caritatives aux échanges d’opinions et de perspectives que ces activités communes permeent. L’engagement de milice façonne notre vivre-ensemble. Il s’agit donc ni plus ni moins de l’une des pierres angulaires de la culture politique suisse. En ce sens, le principe de milice est étroitement lié à la démocratie de notre pays. Avec la participation de tout un chacun et un intérêt commun pour les développements futurs, l’engagement de milice permet le développement de notre société en tenant compte de chaque individu et en l’intégrant, indépendamment de ses orientations politiques, de son genre, de ses forces.

Aujourd’hui, tout type d’engagement de milice, qu’il soit civil ou militaire, doit être reconnu dans le cadre d’un service citoyen plus large au bénéce de la collectivité et de l’environnement, un engagement en phase avec notre temps qui remet l’être humain et la nature au centre. Cela représente les engagements du futur. Une réforme du vivre-ensemble est nécessaire, ayons le courage de prendre les mesures indispensables à la survie de notre système.

Alain Miserez, 33 ans, est avocat, capitaine, ancien garde suisse et conseiller municipal Le Centre à Genève. Avec Marie-Claire Graf, 25 ans, il a été invité à faire part de sa perspective sur le service civil par Noémie Roten, 32 ans, co-présidente de l’association ServiceCitoyen.ch.

Cette tribune a été publiée le 10 décembre 2021 dans la section opinion de le temps. Les Opinions publiées par Le Temps sont issues de personnalités qui s’expriment en leur nom propre. Elles ne représentent nullement la position du Temps.

Photo: VBS/DDPS, CC BY-NC-ND 3.0 CH